Résumé
Par un arrêt en date du 4 septembre 2024, la Cour de cassation a jugé que la cour d’appel avait violé le principe de réparation intégrale, en écartant toute indemnisation durant les périodes d’hospitalisation sans évaluer les besoins d’assistance de la victime pendant ces périodes.
Rappel des faits
Mme [B] [R] souffre de graves séquelles cérébrales et motrices résultant d’un traumatisme crânien survenu à sa naissance le 16 février 2002. Dans ce contexte, ses parents, M. et Mme [R], ont engagé en 2007 une procédure contre M. [J], le gynécologue-obstétricien ayant pratiqué l’accouchement, ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie, pour obtenir réparation et remboursement des frais engagés. En 2008, un jugement définitif a retenu la faute du praticien, en lien avec l’usage inapproprié des forceps, et l’a condamné à verser des provisions d’indemnisation à Mme [B] [R] et à sa famille, ainsi qu’à rembourser la caisse pour les frais provisoires engagés.
En septembre 2018, Mme [B] [R], représentée par ses parents, a engagé une nouvelle action en justice visant à obtenir une indemnisation complémentaire pour les préjudices subis.
Dans le cadre de l’indemnisation, la cour d’appel a décidé que la rente allouée à Mme [B] [R] pour l’assistance d’une tierce personne serait suspendue en cas d’hospitalisation ou de séjour prolongé en milieu médical spécialisé excédant 30 jours. Les parents de Mme [B] [R] ont contesté cette décision, arguant que l’indemnisation pour assistance ne devait pas être limitée aux seuls besoins vitaux de la victime, mais devait également couvrir la perte d’autonomie, qui nécessitait l’aide d’une tierce personne pour les actes quotidiens de la vie, indépendamment de la situation d’hospitalisation.
Le débat
La rente tierce personne est-elle systématiquement suspendue en cas de d’hospitalisation de la victime ?
La réponse
Non nous dit la Cour !
La Cour de cassation a examiné l’affaire au regard de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, qui impose une réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. Elle rappelle que l’indemnisation au titre de l’assistance par une tierce personne doit inclure, au-delà des besoins vitaux, le soutien nécessaire pour pallier la perte d’autonomie de la victime, couvrant tous les aspects de sa vie quotidienne.
Ainsi, elle censure la Cour d’appel pour avoir décidé de manière systématique que cette indemnisation serait suspendue durant les périodes d’hospitalisation, sans tenir compte des besoins spécifiques de Mme [B] [R] en matière d’assistance pendant ces périodes ; laquelle aurait dû prendre en compte les besoins d’assistance même en milieu hospitalier, puisque ces besoins peuvent persister même lorsque la victime est sous surveillance médicale.
La portée
La Cour de cassation souligne l’importance de considérer la perte d’autonomie et les besoins d’assistance de la victime, même lors d’une hospitalisation prolongée, pour garantir une indemnisation conforme au principe de réparation intégrale du préjudice.
Civ 1., 4 septembre 2024, n°23-14.232
https://www.courdecassation.fr/decision/66d804e58c253fd3db1c2d09