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L’Appréciation à géométrie variable du principe de réparation intégrale : disparités entre l’indemnisation de la tierce personne et du véhicule adapté

    Par un arrêt en date du 19 décembre 2024, la Cour de cassation apporte des précisions essentielles sur l’indemnisation de l’assistance par une tierce personne et le financement d’un véhicule adapté, deux postes clés dans la réparation du préjudice des victimes lourdement handicapées.

    Un rappel du principe de réparation intégrale pour la tierce personne

    L’arrêt souligne une nouvelle fois avec force que l’indemnisation de l’assistance par une tierce personne ne peut être limitée aux dépenses effectivement engagées ou subordonnée à la production de justificatifs.

    La cour d’appel de Rouen avait restreint l’indemnisation de Mme Z. en ne retenant que les sommes justifiées par des factures et en écartant l’aide apportée par des membres de sa famille faute d’attestations. Cette approche a été sanctionnée par la Cour de cassation, qui rappelle les principes fondamentaux qui régissent se poste de préjudice :

    • L’indemnité allouée au titre de l’assistance par une tierce personne doit être calculée en fonction des besoins réels de la victime et non des frais effectivement engagés.
    •  L’assistance apportée par des proches ne peut justifier une réduction de l’indemnisation, car cela reviendrait à faire peser sur la famille une charge financière qui incombe en réalité au responsable du dommage.

    Cette position consolide une jurisprudence constante visant à éviter que la victime ou ses proches ne supportent une part des conséquences économiques de l’accident. L’indemnisation doit compenser intégralement les besoins, qu’ils soient satisfaits par une aide rémunérée ou familiale.

    Véhicule adapté : une restriction critiquable de l’indemnisation

    L’autre point clé de cet arrêt concerne l’acquisition d’un véhicule adapté, indispensable pour permettre à Mme Z. de conserver son autonomie malgré son handicap.

    En l’espèce, la cour d’appel avait limité l’indemnisation au seul surcoût lié à l’aménagement d’un véhicule, sans prendre en charge l’intégralité du coût d’acquisition d’un véhicule adapté. Or, le modèle sollicité par la victime permettait le chargement de son fauteuil roulant, nécessitant ainsi un véhicule plus spacieux, directement imposé par son handicap.

    La Cour de cassation valide cette approche, s’abritant derrière l’appréciation souveraine des juges du fond, qui ont considéré que seule la différence entre un véhicule standard et un véhicule adapté devait être indemnisée. Ce raisonnement repose sur l’hypothèse selon laquelle la victime aurait, en toute hypothèse, acquis un véhicule, indépendamment de son handicap.

    Cette position est hautement critiquable en ce qu’elle méconnaît le principe de réparation intégrale, notamment lorsque le véhicule initial de la victime ne pouvait pas être adapté à son handicap ou que ses dimensions étaient insuffisantes pour permettre le transport du matériel adapté devenu indispensable en raison du fait dommageable. Dans ces conditions, imputer à la victime une charge qui découle directement du handicap résultant de l’accident semble contraire aux principes fondamentaux de l’indemnisation.

    Civ. 2e, 19 décembre 2024, n° 23-16.766

    https://www.courdecassation.fr/decision/6763c0e79097d8d54595416f