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Préjudice extrapatrimonial exceptionnel des victimes par ricochet : pas de double indemnisation avec le poste de tierce personne

La question de l’indemnisation des proches aidants dans les cas de handicap sévère d’un membre de la famille soulève des enjeux juridiques complexes. Dans une affaire récente, les consorts [O] ont contesté une décision qui refusait à Mme [F] [O] une compensation financière pour les bouleversements engendrés par l’hébergement de sa fille, gravement handicapée après un accident. La famille soutenait que cet hébergement, source de changements majeurs dans les conditions de vie de Mme [F] [O], constituait un préjudice extrapatrimonial exceptionnel, et que, conformément au principe de réparation intégrale, une indemnisation était légitime. Ce principe, en droit civil français, vise à compenser toutes les pertes subies par une victime ou ses proches sans enrichissement ni préjudice supplémentaire, assurant une réparation équitable des souffrances endurées.

Le 26 mai 2000, Mme [L] [O], alors âgée de 10 ans, a été victime d’un grave accident de la route impliquant un véhicule conduit par M. [Z] et assuré par la société ACM IARD. Elle a subi un traumatisme crânien sévère, avec une consolidation de son état de santé constatée le 3 avril 2019. Le 10 juin 2020, Mme [L] [O], représentée par sa curatrice, ses parents et ses sœurs, a assigné M. [Z] et l’assureur, en présence des organismes de sécurité sociale concernés, pour obtenir une indemnisation de leurs préjudices respectifs.

La cour d’appel, avait toutefois rejeté cette demande, estimant que les soins quotidiens apportés par Mme [F] [O] étaient déjà pris en compte par l’indemnisation pour l’assistance par une tierce personne. Elle a aussi relevé que Mme [F] [O] n’avait pas dû renoncer à des projets de vie particuliers en raison de cet hébergement, vivant déjà avec sa fille au domicile familial. Cette interprétation restrictive de l’indemnisation des proches aidants a été contestée, car elle ne reconnaissait pas l’impact émotionnel et physique quotidien que représente l’aide apportée à un enfant lourdement handicapé. Les consorts [O] ont soutenu que cette situation allait au-delà de l’assistance matérielle couverte par l’indemnisation pour une tierce personne et relevait bien d’un préjudice exceptionnel.

La Cour de cassation casse cette décision en affirmant que le préjudice extrapatrimonial exceptionnel d’un proche aidant n’est pas équivalent à l’indemnisation pour une tierce personne. Elle rappelle que ce préjudice doit inclure les bouleversements dans les conditions d’existence dus aux séquelles du handicap de la victime

Par cette décision, la Cour clarifie les droits des proches aidants, en reconnaissant leur investissement émotionnel, affectif et quotidien dans le soutien d’une personne en situation de handicap. Cette jurisprudence renforce la protection des proches en cas de handicap grave, établissant un précédent important pour la reconnaissance et l’indemnisation des sacrifices qu’ils consentent pour le bien-être de leurs proches.

Civ. 2e, 10 octobre 2024, n°23-11.736

https://www.courdecassation.fr/decision/67076e7c81e733ee26982af9

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