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PCH et indemnisation tierce personne : la Cour de cassation clarifie les limites pratiques de la déduction future

La Haute Cour se penche sur l’articulation entre l’indemnisation versée par l’ONIAM au titre de l’assistance par tierce personne et la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) pour en clarifier les modalités de déduction future. 

Si la Cour confirme que le montant de la PCH déjà versé doit être déduit des indemnités, cette imputation ne peut s’étendre à l’avenir puisque la PCH n’est pas nécessairement reconduite. En outre, elle affirme que les victimes ne doivent pas être obligées de fournir régulièrement des preuves de perception ou non de la PCH pour maintenir leurs droits à l’indemnisation.

Le cadre légal de la déduction des prestations indemnitaires (art. L. 1142-17 CSP et art. 29 loi du 5 juillet 1985)

La Cour rappelle que l’article L. 1142-17 du Code de la santé publique dispose que les prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ainsi que les indemnités reçues d’autres débiteurs pour le même préjudice, doivent être déduites de l’indemnisation mise à la charge de l’ONIAM. Cette règle découle du principe de la réparation intégrale, qui vise à éviter un enrichissement considéré comme injustifié de la victime. Dès lors, la Cour indique qu’il convient d’examiner la nature et le régime de la PCH afin de déterminer si cette prestation doit être déduite des sommes allouées à la victime.

La PCH : une prestation indemnitaire

La PCH, prévue aux articles L. 245-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, est allouée par le département pour compenser des charges liées à la perte d’autonomie des personnes handicapées, incluant l’assistance humaine. Bien que cette prestation ne soit pas conditionnée aux ressources de la victime, elle est toutefois déterminée en fonction des besoins individualisés de cette dernière. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation (2e Civ., 13 février 2014), la PCH est ainsi qualifiée de prestation indemnitaire puisqu’elle vise à compenser des postes de préjudices indemnisables, notamment les frais d’assistance par une tierce personne. En conséquence, les sommes perçues au titre de la PCH doivent être déduites des indemnités allouées pour ce même poste.

Le respect du principe de réparation intégrale et ses implications

Le principe de la réparation intégrale impose que l’indemnisation de la victime soit ajustée pour éviter tout enrichissement sans cause. Ainsi, tant la PCH déjà perçue que celle à recevoir dans le futur doit être déduite des sommes versées par l’ONIAM. Cependant, la Cour de cassation (1re Civ., 8 février 2017; 1re Civ., 14 décembre 2016) exige que le juge vérifie si la situation de handicap de la victime permet le maintien du versement de la PCH dans l’avenir. Il est ainsi nécessaire de prévoir une déduction de la PCH future lors de la fixation d’une rente ou d’un capital.

Les limites pratiques à la déduction de la PCH future

Toutefois, la mise en œuvre de cette déduction prospective se heurte à plusieurs difficultés pratiques :

  • Caractère non obligatoire de la PCH pour la victime : La Cour rappelle valablement que la victime n’a aucune obligation de renouveler sa demande de PCH, celle-ci étant attribuée pour une durée limitée, déterminée par référence aux besoins de la victime. La PCH peut par ailleurs être suspendue ou interrompue si elle n’est pas utilisée aux fins pour lesquelles elle a été accordée. Il est donc incertain que la victime perçoive la PCH au-delà de la période initialement déterminée, et le juge ne peut pas présumer de son renouvellement futur.
  • Modalités de versement des indemnités : Les juges du fond apprécient souverainement si la réparation du préjudice doit se faire sous forme d’un capital ou d’une rente. La Cour précise ainsi, dans le cadre d’une indemnisation par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), qu’il n’est pas possible de déduire la PCH au-delà de la période où elle a été effectivement perçue (2e Civ., 17 janvier 2019).
  • Absence d’obligation pour la victime de justifier de la non-perception de la PCH dans l’avenir : La Cour juge en outre qu’une victime ne peut être contrainte de fournir régulièrement des justificatifs prouvant qu’elle ne perçoit pas la PCH pour le maintien de ses droits à l’indemnisation. Cette décision (2e Civ., 21 septembre 2023) garantit que l’indemnisation par une rente ne soit pas subordonnée à une telle contrainte administrative, ce qui simplifie les obligations pesant sur la victime.

Application au cas d’espèce : la fin de l’attribution de la PCH au 31 juillet 2024

Au cas d’espèce, la cour d’appel avait ainsi correctement déduit du montant du capital alloué à la victime au titre de l’assistance par une tierce personne les sommes perçues au titre de la PCH pour la période antérieure. Cependant, conformément à la jurisprudence établie, elle a estimé que la déduction de la PCH ne pouvait s’étendre au-delà de la période pour laquelle elle avait été attribuée, celle-ci prenant fin le 31 juillet 2024. Cette position respecte pleinement le principe de la réparation intégrale, tout en prenant en compte l’incertitude liée au renouvellement ou non de la prestation dans l’avenir.

La Cour de cassation réaffirme ici que la PCH, bien qu’indemnitaire, ne peut être déduite des indemnités futures lorsque son attribution a pris fin, en l’absence de certitude quant à son renouvellement. Il revient aux juges du fond de s’assurer que les victimes soient indemnisées dans le respect du principe de la réparation intégrale sans pour autant être tenues de produire des justificatifs continus sur la perception de prestations sociales, ce qui pourrait compliquer inutilement la gestion de leur indemnisation.

Civ. 2e, 4 septembre 2024, n°23-11.723, publié au bulletin
https://www.courdecassation.fr/decision/66d804bb8c253fd3db1c2cdf

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