Alors que le PLFSS 2025 fragilise les droits des victimes d’accidents du travail, la récente censure par la Haute Cour d’un arrêt d’appel au nom du principe de réparation intégrale, accompagnée d’un rappel de principes fondamentaux, est plus que bienvenue :
- Assistance d’une tierce personne : En vertu du principe de réparation intégrale, l’indemnité pour assistance d’une tierce personne ne peut être réduite sous prétexte que cette assistance est fournie par un proche, ce qui inclut la prise en compte des congés payés et des jours fériés. La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel qui avait refusé cette compensation.
- Adaptation du logement : La Cour de cassation reconnaît que les frais de mutation pour l’achat d’un logement adapté au handicap de la victime, même si elle vivait déjà dans un logement temporaire adapté, sont couverts par le principe de réparation intégrale. La cour d’appel n’avait pas pris en compte le caractère temporaire de la solution locative et l’importance des aménagements nécessaires.
- Perte de chance de promotion professionnelle : La Cour de cassation annule la décision de la cour d’appel, qui avait rejeté la demande d’indemnisation pour perte de chance de promotion aux motifs qu’elle ne démontrait pas l’existence d’une perte de chance sérieuse de promotion professionnelle.
Civ. 2e, 17 octobre 2024, n° 22-18.905
https://www.courdecassation.fr/decision/6710a90fbe64d7e510244c9a
Focus sur la perte de chance de promotion professionnelle
Au visa du principe de réparation intégrale sans perte ni profit, a Haute Cour casse l’arrêt d’appel qui avait débouté une victime d’accident du travail de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de chance de promotion professionnelle aux seuls motifs qu’elle ne démontrait pas l’existence d’une perte de chance sérieuse de promotion professionnelle.
Au cas d’espèce, la victime faisait valoir que toute perte de chance devrait ouvrir droit à une compensation et contestait ainsi la décision qui avait rejeté sa demande d’indemnisation pour le préjudice lié à la perte de ses perspectives de promotion professionnelle aux motifs qu’elle n’avait pas rapporté « la preuve de perspectives sérieuses »
La cour d’appel avait rejeté sa demande en considérant qu’elle n’avait pas apporté la preuve de perspectives sérieuses de promotion et, selon les motifs adoptés, qu’il incombait à celui qui réclame réparation d’une perte de chance de prouver la réalité et le sérieux de cette chance perdue, en démontrant que la réalisation de cet événement était certaine avant le dommage subi, pour en conclure que le sérieux de la chance perdue n’était pas prouvé.
Cette jurisprudence censure enfin la jurisprudence dégagée sur ce poste de préjudice en venant assouplir les conditions requises pour obtenir une indemnisation de celui-ci, jusque-là systématiquement refusé par les juridictions en raison de l’exigence de preuve quasi impossible à satisfaire sans mention expresse et tangible de l’employeur. Par exemple, même les victimes rendues inaptes à tout emploi à la suite d’un accident du travail ne pouvaient prétendre à une indemnisation pour perte de chance de promotion professionnelle, bien que cette inaptitude totale et définitive les prive de manière évidente de toute perspective d’évolution professionnelle.
Focus sur le logement adapté
Par un arrêt en date du 17 octobre dernier, la Cour de cassation a été amenée à examiner l’indemnisation des frais de logement adapté pour M. [X], victime d’un accident du travail survenu en 2011 et ayant entraîné un handicap nécessitant des aménagements spécifiques à son domicile. Cet accident, imputable à la faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice où il était détaché, a permis à la victime de solliciter une indemnisation complémentaire pour couvrir les coûts liés à son nouveau logement.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, en mai 2022, avait partiellement rejeté la demande de M. [X] concernant l’indemnisation des frais de notaire engagés lors de l’achat d’un appartement adapté. Elle avait estimé que l’achat d’un bien immobilier n’était pas justifié, soulignant que la victime s’était installée dans un appartement en location dans un immeuble équipé d’un ascenseur, similaire à celui qu’elle occupait avant l’accident. La cour avait admis que certains travaux d’adaptation, comme le remplacement des volets et l’aménagement de la salle de bains, étaient nécessaires, mais avait refusé d’indemniser les frais notariés afférant à l’achat immobilier, considérant que la location était une alternative suffisante.
M. [X] a contesté cette décision, affirmant que la location ne permettait pas d’effectuer durablement les aménagements requis pour compenser son handicap. Il soutenait que l’achat d’un logement adapté était essentiel pour assurer une accessibilité pérenne, argument non pris en compte par la cour d’appel.
La Cour de cassation a rappelé le principe de la réparation intégrale, qui vise à indemniser le préjudice sans que la victime ne subisse ni perte ni profit. Elle a estimé que la cour d’appel aurait dû évaluer si, au regard des travaux nécessaires et de la nature temporaire de la location, l’acquisition d’un logement (et par voie de conséquence les frais de mutation afférents), n’était pas une nécessité pour garantir un habitat stable et adapté aux besoins spécifiques de la victime. En ne le faisant pas, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.
Cette décision marque un rappel important du principe de réparation intégrale et reconnaît l’importance de la stabilité dans les adaptations de logement pour les victimes d’accidents graves, soulignant qu’une évaluation approfondie des besoins à long terme de la victime doit toujours être effectuée.
Civ 2., 17 octobre 2024, n°22-18.905
https://www.courdecassation.fr/decision/6710a90fbe64d7e510244c9a