Dans le prolongement des arrêts d’Assemblée plénière en date du 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, n° 21-23.947 et n° 20-23.673, publiés), la Cour était ici saisie sur la question de la portée de cette jurisprudence en matière contractuelle.
Avant le revirement de jurisprudence, la rente accident du travail indemnisait divers préjudices, notamment la perte de gains professionnels, l’incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent. Cependant, en 2023, la Cour de cassation a révisé cette approche par deux arrêts d’assemblée plénière (Ass. plén., 20 janvier 2023, n° 21-23.947 et n° 20-23.673, publiés), précisant que la rente ne couvre plus le déficit fonctionnel permanent. Ce changement de jurisprudence redéfinissait ainsi le champ d’application de la rente, la restreignant aux postes de préjudices strictement liés aux pertes professionnelles et excluant les atteintes personnelles permanentes, comme le déficit fonctionnel.
Au cas d’espèce, M. [M] avait formé un pourvoi contre un arrêt de cour d’appel ayant rejeté sa demande d’indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent, en s’appuyant sur les conditions générales de son contrat qui prévoyaient que seules les indemnités correspondant aux préjudices évalués selon les règles du droit commun peuvent être accordées, avec déduction des prestations versées par les organismes sociaux. La cour d’appel avait ainsi jugé que la rente accident du travail devait être imputée sur le déficit fonctionnel permanent, entraînant ainsi un rejet de la demande d’indemnisation pour ce chef, car le montant de la rente excédait l’indemnité due pour ce préjudice.
La Cour de cassation a cassé cette décision en arguant que dès lors que le contrat stipulait que les préjudices étaient évalués « les règles du droit commun, c’est-à-dire selon les règles utilisées par les tribunaux », l’imputation de la rente accident du travail sur le poste du déficit fonctionnel permanent violait le principe de l’évaluation des préjudices selon les règles contractuelles et légales :
« En statuant ainsi, en imputant la rente accident du travail sur le poste de déficit fonctionnel permanent, après avoir constaté que le contrat prévoyait que les préjudices étaient évalués selon les règles du droit commun sous déduction des prestations à caractère indemnitaire versées par tout organisme social ou de prévoyance ou par l’employeur, la cour d’appel a violé les textes et le principe susvisés. »
Cette décision illustre la précision requise dans l’évaluation des préjudices indemnisables pour les victimes d’accident du travail en matière contractuelle, ainsi que l’importance de respecter les règles contractuelles et légales, afin d’assurer une indemnisation qui reste juste et cohérente avec les principes de réparation intégrale tels que fixés par la jurisprudence.
Civ. 2e, 10 octobre 2024, Pourvoi n° 22-22.048
https://www.courdecassation.fr/decision/67076f4181e733ee26982c0d