Une fois n’est pas coutume, un nouveau projet de décret portant réforme de la procédure d’appel essaie de répondre aux attentes d’une justice plus rapide et plus efficace.
Toutefois, non sans ironie, ce projet de décret prévoit, pour répondre à cet objectif, l’allongement des délais pour conclure dans le cadre du circuit classique de la procédure d’appel.
Les objectifs de célérité et d’efficacité de la procédure d’appel sont pourtant clairement ambitionnés depuis les décrets dits Magendie, rendant ces réformes successives comparables au rocher de Sisyphe.
Magendie affirmait en effet que le procès devait « être rapide sans être expéditif, compréhensible pour ceux qui demandent justice, loyal et correspondre à toutes les caractéristiques du procès équitable ».
Pourtant le projet de décret propose notamment l’allongement des délais pour conclure en procédure ordinaire, lesquels pourront s’étaler jusqu’à 14 mois au lieu de 9 mois actuellement, alors que, comme le souligne le Conseil national des Barreaux, « aucune disposition n’est introduite pour un audiencement rapide ».
Il est vraiment regrettable que le projet de décret ne prévoie pas d’accélérer les délais mais de les espacer.
Les avocats n’ont pas besoin de 14 mois pour conclure en appel alors que les justiciables, tout particulièrement les victimes corporelles dont l’enjeu du litige détermine tant le montant de la réparation intégrale qui leur reviendra pour compenser leur perte d’autonomie et financer leur projet de vie, que leur indépendance face aux compagnies d’assurance, ont un besoin crucial de célérité.
Alors à quel objectif répond dès lors l’allongement des délais ainsi nouvellement proposé ? Serait-ce pour duper de manière artificielle les statistiques du ministère de la justice permettant dire que les audiences de plaidoiries de nos Cours ne soient pas si éloignées du dépôt des derniers de jeux de conclusions ?
Certes la matière du dommage corporel bénéficie de l’exécution provisoire de droit mais la systématisation par les compagnies d’assurance de demandes tendant à voir écartée ou limitée l’exécution provisoire, amène souvent le justiciable à ne pas pouvoir disposer entièrement de ses fonds avant l’issue de la procédure d’appel.
Les avocats de victimes sont donc quotidiennement confrontés à des situations particulièrement difficiles et à la précarisation de la situation de leurs clients, lesquels constituent une forme de déni de justice pour les victimes et une atteinte dommageable aux droits des justiciables.
Nous attendons tous la réforme permettant de répondre réellement à l’objectif d’efficacité et de célérité fixé par la réforme Magendie. Cependant, il apparait que ce ne sont pas les fixés aux avocats qui posent problème, mais le délai de fixation des dossiers devant nos Cours. Quand l’allocation de moyens permettra-t-elle à notre Justice épuisée de répondre à cet objectif et d’arrêter par voie de conséquence de malmener auxiliaires de justices et justiciables ?